Souviens-toi *6

23 novembre 1964

Chère Mère Noël

Je t’écris à toi parce que tu comprendras peut-être mieux que ton mari le Père Noël et peut-être qu’il t’écoutera si tu lui glisses en douce ce que je veux.

Le petit lit en bois avec son armoire en bois verni et le petit matelas en toile rose avec le petit oreiller, les jolis draps brodés m’ont fait trop plaisir. D’ailleurs avec B. on joue beaucoup avec, surtout depuis qu’on a eu aussi la chaise haute pour notre bébé. Mais quand même, moi, ce que j’aimerais pour la prochaine fois c’est une boîte de Meccano. Tu sais celle avec les pièces en ferraille bleue percée de petits trous pour les écrous jaunes ou rouges.

La dernière fois chez Mémé, Dédé avait apporté sa boîte, c’était trop bien, on a construit une maison et « pis » une voiture et un engin avec des roues et des espèces de branches. Il avait même une poulie dans son coffret qu’on a accrochée tout en haut, ça faisait comme une grue.

J’ai essayé de construire un pédalo comme celui avec lequel on joue chez Mémé mais j’ai pas trouvé comment faire le pédalage. Je vais demander à Papa, peut-être qu’il saura, il sait tout faire.

Bon, et puis, peut-être l’année d’après, parce que je sais que ça coûte cher, un train électrique. Bon, pas tout d’un seul coup, mais une locomotive rouge et noire avec ses roues à piston et deux wagons : un wagon de passagers et un wagon benne à charbon. J’aime bien, je pourrai mettre des billes dedans pour faire le charbon et le renverser quand on arrivera à la gare. La gare, t’as pas besoin de lui commander, Papa me la fabriquera et maman, elle pourra  me faire des passagers en tissu. Je peux aussi prendre mes figurines Thierry la Fronde en attendant.

Pour les rails, il m’en faudrait quand même un peu et avec un aiguillage, si c’est possible. Si ça fait trop, en attendant je les dessinerai par terre, mais ça sera pas pareil.

Et puis après, si j’ai beaucoup de rails et d’aiguillages, papa pourra me fabriquer une grande planche sur laquelle on fera un vrai circuit.

Bon, voilà, Mère Noël, si tu peux glisser ça dans l’oreille de ton mari, le Père Noël, ce serait bien.

Tu lui dis bien que c’est pas forcé en une année, mais que ça me ferait drôlement plaisir.

J’espère que vous n’êtes pas trop fatigués avec tout ce que vous avez à préparer et tout ce qu’on vous demande. C’est aussi pour ça que je t’ai écrit en avance pour que vous ayez le temps.

Je vous embrasse.

Brigitte

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